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II) Comment le mouvement de la dionée facilite t-il sa nutrition?

1) Réflexion expérimentale

La Dionée est une plante extraordinaire, aux propriétés fascinantes. Ses pièges constituent tout son intérêt, ces derniers étant uniques au monde. Nous allons donc, dans cette seconde partie, étudier plus en détail le fonctionnement d'un piège de Dionée. Nous avons opté pour une approche historique, en reproduisant deux expériences réalisées par de grands botanistes afin d'appuyer notre démarche scientifique. Ces expériences vont nous permettre de comprendre les différents mouvements à l'échelle macroscopique et microscopique du piège, et vont appuyer le résumé détaillé dans une seconde partie. Nous pourrons ainsi vérifier les hypothèses qu'ont émises les scientifiques au cours de l'histoire: à savoir valider le rôle de l'acidité et des canaux ioniques dans la fermeture piège.

Fermeture en milieu naturel

 

Avant de retracer la tumultueuse histoire de la dionée, observons simplement sa capacité de mouvement dans son milieu naturel.

 

Ses "mâchoires" puissantes lui permettent de capturer des proies de taille exceptionnelle!

Approche historique

      Premiers contacts avec la plante

 

  La découverte de la dionée remonte en 1770. A cette époque, leur carnivorité n'est pas encore établie. Ce n'est qu'en 1865 que Charles Darwin s'intéresse à cette plante : il l'étudie dans le cadre de ses recherches sur l'ensemble des plantes carnivores (pièges passifs et actifs compris). Etant naturaliste, celle-ci deviendra rapidement un sujet d'étude majeur. C'est lui qui démontrera la carnivorité des dionées, et rédigera une oeuvre complète 15 ans plus tard : Les plantes insectivores, décrivant en détail l'aspect et le fonctionnement des plantes carnivores, et plus particulièrement celui de la Dionaea Muscipula, notre objet d'étude.

Ci-contre un schéma d'époque d'un piège de Dionée (auteur inconnu)

 

    Darwin cultive les dionées, observe et analyse leur comportement :                                                                                      

  Il constate que 3 poils se dressent et sont peut être à l’origine de la fermeture des mâchoires du piège. Un compteur de 20 secondes se déclenche suite à l’agitation d’un des poils, cela afin de réduire la probabilité de fermeture inutile (étant donné que la fermeture du piège requiert beaucoup d’énergie : il se referme en une fraction de seconde). Les espaces libres permettent aux petites bêtes de s’échapper et ainsi d’éviter à la dionée d’entamer son processus de digestion pour de faibles sources nutritives. En revanche, les plus grosses ne peuvent pas s’échapper et stimulent en permanence les poils.

 

 

 

Des expériences plus poussées

 

  Ce contact avec les dionées provoquera la fascination du monde scientifique pour ces plantes d'un genre nouveau. Intrigués par la rapidité de la fermeture du piège, les botanistes se sont interrogés sur le mécanisme de sa fermeture. La seule explication plausible étant celle d'un courant électrique transmettant l'information du mouvement, les botanistes réalisent des mesures du courant électrique lorsque les poils sont déclenchés. Leur hypothèse est confirmée, il y a bien une activité électrique lors de la fermeture du piège (nous y reviendrons plus en détail par la suite).

Il faudra attendre 1991 pour que Fagerberg, un botaniste, fasse des découvertes étonnantes sur la plante qui permettront de comprendre en détail le mécanisme de fermeture des pièges. Il découvre ainsi qu'un piège plongé dans une solution riche en ions lanthane (La3+) se retrouve paralysé et ne peut plus se refermer, même après de multiples stimulations des poils. Nous avons pensé qu'une solution de chlorure de sodium provoque les mêmes effets sur la dionée. C'est la raison pour laquelle nous l'avons utilisé dans nos expériences (le lanthane est en effet relativement peu commun, très précieux, et à manipuler précautionneusement). Nous utiliserons également dans nos expériences de l’acide chlorhydrique, qui possède l’effet inverse des ions lanthane : le piège se referme sans stimulation des poils sensitifs.

Protocole (valable pour les 3 expériences) : On découpe à l’aide d’un ciseau un piège avec sa racine (de 5mm à 1 cm sous la racine environ). Dans une boite de Pétri, on verse la solution voulue jusqu’à ce que le piège puisse baigner dedans (soit 1 cm de hauteur environ). On introduit ensuite le piège dans la boite. Si besoin, à l’aide d’une pince, on viendra appuyer légèrement sur la racine pour faire imprégner la solution dans le piège.

Expérience n°1) : L'acide chlorhydrique

Hypothèse : On émet l’hypothèse que l’acidité joue un rôle dans la modification de la structure des cellules, ce qui fait partie du mécanisme de fermeture. L’acide chlorhydrique, de formule H3O+ + Cl-, pourrait donc déclencher la fermeture du piège sans même qu'il y ait stimulation directe des poils sensitifs.

 

Observation : Le piège se ferme automatiquement au contact de l’acide chlorhydrique, sans même que les poils sensitifs aient été touchés.

 

Interprétation : L’hypothèse est vérifiée : cette acidité issue des ions H3O+  (il s’agit en fait d’ions H+ qui se sont liés à une molécule d’eau) provoque la fermeture automatique du piège. Cette acidité joue un rôle essentiel dans le mécanisme de fermeture du piège. Nous verrons dans une seconde partie qu’elle est responsable de la modification des cellules provoquant ainsi le mouvement de fermeture.

Expérience n°2) : Test au chlorure de sodium

Introduction à l'expérience:

Cette expérience va s’orienter sur la phase initiale du déclenchement du piège : la stimulation des poils sensitifs engendre l'émission d'un potentiel d’action, c'est-à-dire un courant électrique. Des recherches ont été menées sur l’action de ce courant : celui-ci serait provoqué par l'ouverture de canaux ioniques (qui permettent le transfert d'ions propres à ces canaux) dans les cellules situées à proximité des poils (face interne du piège), afin de provoquer un échange d’ions entre le milieu intracellulaire et le milieu extracellulaire.

 

Cet échange d’ions provoquerait une perturbation des charges à l'origine du potentiel d'action qui se répéterait dans toutes les cellules du piège. Fagerberg va suggérer dans son expérience, qui consiste à bloquer un piège en le baignant dans une solution d'ions lanthane, que ce sont les ions lanthanes qui boucheraient les canaux ioniques. En effet, les ions lanthanes ont un effet inhibiteur sur les canaux ioniques. Ceci empêche ainsi tout échange d’ions, et enlève donc la possibilité d’émettre un signal électrique vers le reste des cellules du piège : les poils ne sont d’aucune utilité.

 

 

Hypothèse : Nous avons voulu réitérer cette expérience avec une solution de chlorure de sodium, et vérifier l'importance des canaux ioniques dans le mécanisme de fermeture de la plante.

 

Nous emettons ainsi l'hypothèse que les canaux ioniques jouent un rôle majeur dans le fonctionnement du piège, ce qui confirmerait l'hypothèse de Fagerberg.

 

Si le piège est paralysé, alors les canaux ioniques jouent un rôle majeur.

 

Observation : Le chlorure de sodium imprègne totalement le piège. Malgré les stimulations des poils répétées, le piège ne se ferme pas : il est bel et bien bloqué.

 

Interprétation : Puisque le piège est paralysé, nous pouvons déduire que les canaux à ions sont essentiels à la fermeture du piège. Ils participent à la transmission de l’information mécanique en information électrique, et doivent être retenus pour expliquer le mécanisme de fermeture en détail dans notre seconde partie.

Expérience n°3) : Eau distillée (témoin)

Simple expérience témoin : elle nous sert à vérifier que les expériences réalisées ne sont pas erronées : le piège est plongé dans de l’eau. Avant que l’eau n’entre en contact avec les poils, le piège ne se referme pas - ce qui est contraire aux effets de l’acide chlorhydrique. Après agitation des poils par le mouvement de l'eau, le piège se referme ; il n’est donc pas paralysé - par opposition aux effets du chlorure de sodium.

II- Comment le mouvement de la Dionée facilite-t-il sa nutrition ?

2) Le mécanisme de fermeture détaillé

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